Note : Cet article invité a été écrit par Sylvain Cesbron du blog courir comme un pro.
Nous sommes en 1968, en plein mois d’août. Pour la première fois, l’Amérique centrale accueille la « grand messe » des Jeux Olympique. Et c’est la ville de Mexico qui a été élue. Sa particularité ? Se situer à 2200 mètres d’altitude.
Et pour la première fois, les entraîneurs et les scientifiques doivent se pencher sur la question de l’adaptation à l’hypoxie, le manque d’oxygène. Afin de préparer l’équipe de France olympique, le ministère des sports décide de créer un centre d’entraînement en altitude dans les Pyrénées orientales, à Font-Romeu.
Cette stratégie s’avèrera payante, avec notamment la superbe victoire de la toute jeune Colette BESSON, sur le 400 mètres.
Depuis, les études se sont multipliées, sans apporter de véritable consensus sur le sujet. Les connaissances ont certes beaucoup avancé, mais elles sont encore parcellaires et parfois contradictoires.
Et les vieux adages ont encore la peau dure. En effet, les footballers parlent toujours de stage de ré oxygénation ? Mais c’est bien en réalité l’inverse qui se produit. Plus on prend de l’altitude, plus l’oxygène contenu dans l’air se raréfie.
Non pas que la proportion d’oxygène diminue par rapport aux autres gaz. En effet, l’air contient toujours 78% d’azote, 21% d’oxygène, et 1% d’autres gaz (argon, CO2, etc.), et ce quelque soit l’altitude.
Par contre, en raison de la baisse de la pression atmosphérique, le nombre de molécules de tous ces gaz diminue.
A cause de cette diminution du nombre de molécules dans l’air, et de la moindre différence de pression entre l’air contenu dans les poumons et le sang, et bien la captation de l’oxygène par la circulation sanguine va être réduite.
Soumis à cette hypoxie (le manque d’oxygène), l’organisme va réagir et compenser :
« Un dopage naturel, en quelque sorte ! »
Ces adaptations vont permettre ainsi de transporter plus d’oxygène vers les tissus, dont les muscles, améliorant ainsi les capacités aérobie (en savoir plus sur l’aérobie dans cet article). C’est ce qui fait le fondement de cette méthode d’entraînement en altitude, car lorsqu’on va redescendre, on gardera le bénéfice de cette adaptation pendant 2 à 3 semaines.
Les capacités de transport de l’oxygène étant augmentées, la VO2 max et la VMA augmentent, temporairement.
De retour en plaine, les chronos descendront mécaniquement. Il y a en effet une corrélation entre l’augmentation du taux de globules rouges (hématocrite), la VO2 Max, et la performance dans les épreuves de demi-fond et de fond !
Tous ces phénomènes seront hautement favorables à la performance. Mais comme toute adaptation, ces processus prennent du temps.
Dans les premiers jours, on observe donc une hausse du rythme cardiaque et du rythme respiratoire. Puis suivent ensuite les adaptations métaboliques (sanguines et enzymatiques).
Cette période d’adaptation (l’acclimatation), qui génère de la fatigue, doit s’accompagner d’un entraînement très allégé, en volume et en intensité. J’ai souvent observé les athlètes de haut niveau faire trois ou quatre jours avec seulement un peu de marche ou un footing de 30 minutes par jour.
Au bout de quatre à six jours, on pourra alors opérer une montée en charge très progressive, en étant très à l’écoute des sensations.
Puis au bout de 10 jours, la situation se normalise, et l’on peut donner sa pleine puissance lors des entraînements.
Pour parler de mon expérience, mes longs séjours en altitude me permettaient de gagner 10 à 12% sur mon taux d’hématocrite, soit 4 à 6 points. Je suis habituellement à environ 44%, ce qui le portait parfois à 50%, le plus naturellement du monde.
Quelques uns de mes meilleurs résultats sont à mettre à l’actif de l’altitude, notamment une 8ème place aux Interrégionaux de cross court et ma victoire au cross court des Mureaux, en 1999.
Un bénéfice dont vous pouvez aussi tirer parti, à condition de respecter un temps d’adaptation suffisant, et de descendre au moment opportun.
Le stage en altitude peut répondre à deux objectifs différents, en fonction de votre pratique.
Le premier objectif, c’est celui de s’adapter à l’altitude pour ceux qui auront à produire une performance en montagne. C’est généralement le cas si vous êtes trailer, par exemple.
Le deuxième objectif, c’est celui de produire une performance en plaine. Mais attention : la descente va générer de la fatigue dans la semaine qui suit. Deux méthodes s’offrent à vous pour éviter ça.
> Descendre de veille de l’épreuve (dans les 24 à 48 heures) à condition de pouvoir se rendre rapidement et sans fatigue sur le lieu de compétition.
> Descendre 10 jours avant l’épreuve (les performances sont optimale entre le 8ème et le 15ème jour suivant la descente).
Entre ces deux choix, on observe généralement une période de décompensation où les performances seront dégradées.
La meilleure altitude, c’est à la fois « celle qui est la plus élevée possible », tout en « permettant de maintenir un entraînement de bonne qualité ».
« Il faut trouver le compromis ! »
Voici deux exemples pour illustrer la problématique :
> À 5000 m d’altitude vous ferez des globules rouges, mais il vous sera impossible de vous entraîner. Il n’y a donc aucun intérêt sportif.
> À 800 m d’altitude, les performances ne seront pas dégradées, mais les effets sur les globules rouges seront presque inexistants.
Il faut donc trouver le compromis entre une altitude efficace (entre 1800 et 2800 mètres d’après certaines études), et un environnement où la chaleur et l’hygrométrie ne rendront pas l’entraînement trop pénible.
C’est pour ces raisons que les sites d’entraînement de Potchefstroom (1400 m) en Afrique du Sud, d’Ifrane (1700 m) au Maroc, ou Iten (2400 m) au Kenya ont la cote, la météo y étant clémente et l’atmosphère très respirable.
En Europe, c’est Saint Mauritz (1820 m) en Suisse et Font-Romeu (1850 mètres) en France, qui sont les centres les plus populaires, mais l’entraînement en hiver y est plus compliqué.
Pour nous, qui essayons de courir comme des pros (mais qui ne sommes pas des professionnels) des obstacles logistiques vont se dresser sur notre route.
Nous avons vu que l’adaptation à l’altitude prenait au moins 10 jours. D’après les spécialistes, pour obtenir des effets significatifs, la durée minimale d’entraînement en altitude serait de 2 semaines, en dehors de l’adaptation ! Cela porte la durée minimale d’un stage en altitude à 3 voir 4 semaines.
Peu de coureurs peuvent se permettre ça, tant au niveau professionnel, qu’en terme de finances.
D’autant plus que les effets sont relativement peu durables. Après 3 semaines, les avantages liés à la hausse du taux d’hématocrite seront totalement estompés.
Alors pour les amateurs, l’investissement semble tout d’un coup perdre un peu de son intérêt.
Les athlètes de haut niveau font, eux, souvent le choix de vivre une grande partie de l’année en altitude. J’ai vécu de longues périodes à Font-Romeu (plus d’un an total). J’avais pour voisins, dans l’immeuble d’en face, le belge Vincent Rousseau (ancien recordman d’Europe du marathon, en 2h07’21’’, dans les années 90) et la Britannique Paula Radcliff (actuelle recordwoman du monde du marathon, en 2h15’25’’).
Actuellement, si vous y allez en été, vous avez toutes les chances d’y croiser Mo Farah (champion olympique en titre sur 5.000 et 10.000 mètres), qui y passe de longs séjours.
La plupart des stars de l’endurance passent tous au moins six mois par an à plus de 1500 mètres d’altitude, multipliant souvent les allers retours entre les compétitions. À la remontée, cela à l’avantage de diminuer la fatigue et le temps de réadaptation.
Si avec des moyens financiers il y a moyen de tourner le premier inconvénient à son avantage, il y a 3 autres points de vigilance à observer.
1- L’altitude provoque une baisse de la vitesse de course, à cause du manque d’oxygène. (les bénéfices, c’est seulement à la descente !)
Vous allez donc rencontrer votre seuil aérobie et votre seuil lactique plus précocement, et votre Vitesse Maximale Aérobie (VMA) va chuter d’environ 10%.
Et il n’y a rien à y faire ! Si vous vous entêtez à maintenir vos allures habituelles, le risque de tomber dans le surentraînement devient très important. C’est ce qui explique que beaucoup d’athlètes rentrent de stage complètement « rincés ».
2- Courir en altitude est plus pénible. Cette pénibilité, combinée à la baisse de vitesse, provoqueront une diminution du dynamisme et la fréquence gestuelle de votre foulée.
Le maintien de cette fréquence doit donc être un souci permanent à l’entraînement. De plus, il est opportun de ponctuer la planification de séances de vitesse et de PPG afin de maintenir vos qualités neuromusculaires.
3- L’air en altitude est plus sec qu’en plaine. Donc la déshydratation est beaucoup plus importante. En effet, la sudation augmente avec l’altitude. De plus, comme le rythme respiratoire augmente face au manque d’oxygène, cela accentue la déshydratation en général, et l’assèchement des voies respiratoires en particulier.
Et cette déshydratation, combinée à la hausse du taux d’hématocrite, peut augmenter la viscosité sanguine.
Au delà d’un certain seuil, cette viscosité est un frein dans la diffusion de l’oxygène dans les capillaires sanguins.
De plus, cela augmente le risque de thrombose et de phlébites.
Il est donc nécessaire d’avoir une hydratation irréprochable lors d’un stage à la montagne, ce que trop de coureurs négligent.
A la fin des années 1990, devant tous les inconvénients de la méthode d’entraînement en altitude, les chercheurs Levine et Stray-Gundersen ont établi le principe du LHTL : « vivre en haut et s’entraîner en bas ». En effet, 6 à 8h d’exposition quotidienne à l’hypoxie (une nuit par exemple) suffisent à stimuler la production de globules rouges.
Et avec un entraînement à moins de 1000 mètres, plus de baisse de régime et de déshydratation excessive.
Reste alors à résoudre les questions logistiques.
Pour les marathoniens stagiaires à Font-Romeu, l’option prise le plus souvent est de faire les séances spécifiques autour du Lac de Matemale (1500 mètres d’altitude), ou du côté de l’Espagne (1200 mètres).
Dans les alpes, d’autres prennent l’option du télécabine pour aller dormir en gîte ou en station après une journée d’entraînement dans la vallée.
Il y a donc du pour et du contre concernant les effets de l’altitude sur les performances. Pour être complet, il faut préciser qu’il y a de grandes variations interindividuelles dans les phénomènes d’adaptation (il y a les individus « répondeurs » et les « non répondeurs » à l’hypoxie).
Mais il ne faut pas négliger les stages à la montagne pour autant, même sur de courtes durées ! Voyons pourquoi.
Tout d’abord, à la montagne, il y a de l’air frais ! Cet air si caractéristique, vivifiant, qui nous remplit d’énergie.
Et tout à la montagne incite au repos et à la quiétude ! Il y a les paysages, moins de circulation automobile, les gens y sont souvent en villégiature, et les habitants y cultivent un art de vivre unique.
Autre atout de taille : les distractions y sont plus rares que dans les grandes villes, ce qui est favorable pour des sportifs qui doivent se concentrer sur leur préparation, et se reposer.
Enfin, l’altitude permet d’être souvent au dessus des nuages, donc au soleil ! Par exemple, la ville de Font-Romeu (66) est l’une des plus ensoleillée de France, avec en moyenne 300 jours de soleil par an !
Pour conclure, je voudrais souligner que lorsque les effets de l’altitude seront dissipés, il y a de nombreux autres effets positifs que l’on conservera sur une longue période.
Des souvenirs pour la vie !
Tout d’abord, le grand volume de travail effectué sera une force sur toute votre saison.
Mais surtout, ne perdons pas de vue que partir en stage, c’est le plus souvent partir à plusieurs, à la découverte d’une nouvelle région, ou d’un nouveau pays.
Et c’est alors l’occasion de tisser des liens forts avec des partenaires d’entraînement, et de se faire des souvenirs pour la vie !
Sylvain – courir comme un pro
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