[Vidéo] L’entraîneur de demi-fond de l’équipe de France d’athlétisme Handisport et ancien vice-champion du Monde de 800 m vous donne des conseils, des astuces pour réussir votre 800 m !


Au cours de cette interview vidéo, Arthémon Hatungimana qui a été Vice-Champion du Monde de 800 mètres en 1995 à Göteborg et qui est l’actuel entraîneur de l’équipe de France d’athlétisme d’Handisport pour la partie demi-fond vous donne des conseils, des astuces pour réussir votre 800 mètres. Il explique les grosses erreurs des coureurs de 800 mètres avant de délivrer son rôle d’entraîneur. Il explique comment tirer le meilleur de chaque athlète et plein d’autres choses. J’espère que l’interview va vous plaire. :)

L’interview au format audio :

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L’interview au format vidéo :

Vous pouvez retrouver Arthémon Hatungimana sur :

Wikipédia

Transcription texte de l’interview :

Maxence Rigottier : Bonjour à tous. Ici Maxence Rigottier de blog course à pied.

Aujourd’hui c’est une vidéo interview un peu spéciale. J‘habite à Malte depuis septembre 2012, et dernièrement l’équipe de France handisport d’athlétisme effectuait un stage à Malte. Donc je suis avec l’entraîneur de l’équipe de France de demi-fond et du 400 mètres, Arthémon Hatungimana, il est également vice-champion du monde du 800 mètres à Göteborg en 1995. Tu as un chrono personnel de 1min 43 s 38, ce qui est tout simplement impressionnant si vous pratiquez le 800 mètres. Je vais poser quelques questions à Arthémon par rapport au 800 mètres, et ensuite dans la seconde partie je vais lui demander comment il a fait pour devenir entraîneur de l’équipe de France puis comment il fait pour tirer le meilleur de ses athlètes, etc.

Maxence Rigottier : Bonjour Arthémon.

Arthémon Hatungimana : Bonjour.

Maxence Rigottier : Est-ce que tu peux te présenter et expliquer ton passé de coureur. Tu es Burundais, et ensuite tu a été naturalisé français.

Arthémon Hatungimana : Oui, exactement.

Maxence Rigottier : Explique-nous tes début dans la course à pied jusqu’à tes sommets, et ensuite ta reconversion en tant qu’entraîneur de l’équipe de France handisport pour la partie demi-fond.

Arthémon Hatungimana : Oui, j’ai commencé à m’entraîner, j’étais un athlète de 400 mètres où j’avais une performance de 46 s 76 au 400 ; j’ai été en demi-finale des Championnats du monde junior en 1992 à Séoul. Après ces Championnats je me suis entraîné pour voir ce que je pouvais valoir sur le 800 mètres. J’ai pu faire de bonnes performances et donc je rappelle qu’au Burundi jusqu’à aujourd’hui on n’a pas de piste synthétique, on a une piste cendrée où on met des pointes de 9 mm ; comme toi qui habites à Malte tu as vu la piste des chevaux où ils s’entraînent ?

Maxence Rigottier : Ce n’est pas pratique.

Arthémon Hatungimana : Ce n’est pas pratique, et c’est la même chose, donc vous voyez que les pointes de 6 mm ça ne peut pas tenir. Donc il fallait des pointes de 9 à 12 mm. J’ai pu faire 1min 51 s, puis 1min 49 s, puis 1 min 48 s ; j’ai réussi à faire les minimas pour aller aux championnats d’Afrique. J’ai pu avoir une troisième médaille en 93, c’était à Durban en Afrique du Sud. Ce jour-là, j’ai bénéficié d’une bourse de la Coopération française qui m’a permis de venir m’entraîner à l’INSEP (Institut National du Sport, de l’Expertise et de la Performance). J’ai pu là rencontrer José Marajo, Roger Mulhau – c’étaient d’excellents entraineurs de demi-fond en France.

À cette date, quand je suis arrivé, ça m’avait permis d’avoir une bonne condition pour m’entraîner et une bonne condition pour faire des études et tout, mais par contre le climat ne m’avait pas permis d’aller au bout de mes forces. Donc les hivers étaient un peu difficiles pour moi, je me blessais de deux à trois mois à cause du froid.

Maxence Rigottier : Le froid te tétanisait !

Arthémon Hatungimana : Exactement, donc je me rappelle en 94 le froid à Vittel où on courait sur la piste, la neige arrivait au tibia, donc mon corps n’a pas beaucoup résisté. Il fallait que j’arrête au moins deux ou trois mois.

Maxence Rigottier : Tu passais de la chaleur du Burundi au froid français.

Arthémon Hatungimana : Exactement. À partir de là j’ai pu faire de bons résultats en France, j’avais gagné le Championnat de France de 800 m à Annecy, donc c’était les Championnats de France en 94, où j’ai pu réalisé une bonne performance , 1 min 45 s 02 si je me rappelle bien, ou 1 min 46 s – une performance qui m’avait permis d’entrer dans les grands meetings.

Maxence Rigottier : Et quand est-ce que tu as pu courir sur une piste synthétique, car tu as tout le temps couru sur une piste cendrée au Burundi ?

Arthémon Hatungimana : Oui, comme je l’ai déjà dit, c’était à Séoul 92 ; c’est là où j’ai commencé à voir les pistes rouges. Maintenant les pistes sont bleues, mais à l’époque les pistes étaient rouges, et là je volais quoi !

Maxence Rigottier : Imaginez quand même, si vous faites du 800 mètres en 1min 49 s, 1min 50 ou 1 min 51, sur une piste cendrée, c’est tout simplement impressionnant, incroyable. Donc félicitations une nouvelle fois, et ensuite tu as largement amélioré tes chronomètres sur une piste synthétique.

Arthémon Hatungimana : Oui, mais j’ai trouvé la piste cendrée pas mauvaise pour l’entraînement, et donc je pense que ça cause moins de blessures par rapport à une piste synthétique.

Maxence Rigottier : Est-ce que la piste synthétique est trop dure ?

Arthémon Hatungimana : Elle est trop dure, et avec l’hiver ça durcit encore, et puis l’impact avec le sol est plus important, et le corps ne tient pas chaud quoi ! Donc dans mon expérience d’entraîneur, quand je fais plus de pistes l’hiver, je vois qu’il y a plus de bobos chez les athlètes que dans la nature. Puis-je continuer sur ma carrière ?

Maxence Rigottier : Oui, oui.

Arthémon Hatungimana : Et puis en 1995 aux Championnats de France qui se sont déroulés au Charléty, là où il y a le PUC – Paris Université Club – où j’entraîne et coordonne les écoles d’athlètes. C’est là où j’ai pu réussir bien mes 800 mètres. Donc je me rappelle bien j’ai fait une série 1 min 45 s 45. La demi-finale je l’ai fait en 1min 48 s, et la finale en 1 min 45 s 65. Ce jour-là je m’étais dit que j’étais prêt pour les Championnats du monde. Et alors quand j’ai fait les Championnats du monde, j’ai fini deuxième derrière Kipketer . Et dans la foulée, dans les meetings qui suivirent ces Championnats, j’ai pu descendre à moins de 1 min 44 s, j’ai fait 1 min 43 s 56.

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Arthémon Hatungimana : Et voilà, je suis ainsi entré dans la série des plus grands qui a duré jusqu’à 2005.

Maxence Rigottier : Pendant dix ans, tu as été athlète de très très haut niveau.

Arthémon Hatungimana : Exactement.

Maxence Rigottier : Et pour toutes les personnes qui souhaitent s’améliorer sur le 800 mètres, quels sont les types de séances spécifiques à faire pour progresser sur le 800 mètres ?

Arthémon Hatungimana : En fait le 800 mètres est une distance très complexe, donc il faut être un athlète complet, un athlète qui fait de tout : il est fort en musculation, en vitesse, en endurance, et donc il doit avoir tous les atouts, toutes les spécificités de l’athlétisme. Je peux comparer un coureur de 800 mètres à un décathlonien : un meilleur décathlonien doit être aussi complet et pareil.

Maxence Rigottier : Pour toi le 800 mètres est l’une des disciplines où l’athlète doit être extrêmement complet.

Arthémon Hatungimana : Très complet. Quand vous regardez bien, vous voyez, le passage du 800 mètres en 48 secondes et pour finir en 1 mi 40 s. Une comparaison : vous regardez le bilan des athlètes français, vous regardez-leur 1 min 48 s, ça peut être dans les 25 premiers Français, mais par contre, quand il passe en 48 s, il y a encore un tour à faire.

Maxence Rigottier : Est-ce que 1 mi 48 s’ est environ 13, 5 secondes au 100.

Arthémon Hatungimana : En faisant 800 mètres en 1 min 48 s

Maxence Rigottier : Oui.

Arthémon Hatungimana : Exactement.

Maxence Rigottier : Tu faisais principalement une séance que des 150 mètres plusieurs sérient, soit des 100, 200, 300, 400. Explique-nous un peu quels types d’entraînements, quels types de séances on peut faire pour s’améliorer personnellement sur 800 mètres.

Arthémon Hatungimana : En fait le 800 mètres on le prépare en trois étapes. D’octobre à février, et puis de février jusqu’au mois de mai, et puis les entraînements entre compétitions, entraînements, compétitions, et donc de septembre à février on travaille plus de force, foncier, un petit rappel de vitesse, et quand le climat s’améliore, on commence à travailler spécifiquement le 800 mètres, tandis que de septembre/octobre à février on fait plus de 1500 mètres.

Maxence Rigottier : Tout l’hiver c’est des …

Arthémon Hatungimana : Beaucoup de musculation, beaucoup de fonciers, et un petit rappel de vitesse ; il ne faut pas trop en faire sinon le corps ne va pas tenir.

Maxence Rigottier : Et les blessures vont arriver.

Arthémon Hatungimana : Exactement.

Maxence Rigottier : Pour la musculation, c’est des petites charges avec beaucoup de répétitions ou de grosses charges avec peu de répétitions ?

Arthémon Hatungimana : Oui, des charges, mais légères

Maxence Rigottier : Quinze petites répétitions, de quelque chose qui est assez léger.

Arthémon Hatungimana : Exactement. Je pense personnellement qu’un coureur de 800 mètres n’a pas besoin de dépasser 70%, donc le maximum doit être 70% des charges ; il ne peut pas aller plus loin que ça. Cela ne sert à rien.

Maxence Rigottier : Il va juste se blesser au lieu d’améliorer ses performances.

Arthémon Hatungimana : Exactement.

Maxence Rigottier : Concernant les séances spécifiques, tu faisais donc des 150 mètres, 200 mètres, ou un peu de tout ?

Arthémon Hatungimana : De tout. On parle de 100 mètres jusqu’au 1000 mètres.

Maxence Rigottier : Jusqu’au 1000 mètres.

Arthémon Hatungimana : Ça, c’est une question de programmation ; ça dépend de la semaine, ce qu’on fait cette semaine et la semaine suivante. Dans les 150 mètres, on peut les fractionner en 6 fois 150 mètres, comme ça peut être un mélange; ça dépend du volume qu’on est en train de chercher.

Maxence Rigottier : D’accord. Et quelqu’un qui veut se lancer dans le 800 mètres, combien de temps de préparation – deux ou trois mois pour faire une transition, avec une saison de cross ou une saison de route ? Combien de temps faudrait-il pour se préparer à un premier 800 mètres ?

Arthémon Hatungimana : Ça dépend , il y a deux types de 800 mètres: il y a , comme moi, du 400 au 800 mètres.

Maxence Rigottier : Et du 800 au 1500 mètres.

Arthémon Hatungimana : Exactement. Vous voyez donc que les préparations ne sont pas les mêmes parce que le 1500 a plus de foncier, mais il aura besoin de travailler plus de vitesse, tandis que celui qui fait du 400-800 il a besoin de travailler plus le foncier. Je ne peux dire donc voilà, préparez-vous comme ça ! Il faut d’abord voir le type d’athlète : s’il est orienté 800 –1500, ou s’il est orienté 400 – 800.

Maxence Rigottier : D’accord, bien faire une distinction entre ces deux disciplines : Est-ce que vous êtes un coureur 400 – 800 mètres, ou un coureur 800 – 1500 mètres ?

Arthémon Hatungimana : Exactement.

Maxence Rigottier : Et donc du coup, plus tard tu n’as jamais été tenté de monter sur 10 km, 5000 mètres. Tu as tout de suite vu que ta spécialité était la vitesse. Comment tu as découvert ça ?

Arthémon Hatungimana : Vous voyez, en faisant 46 s’ au 400, c’est assez rapide non ?

Maxence Rigottier : C’est exceptionnel.

Arthémon Hatungimana : Beaucoup de gens m’ont posé cette question. C’est vrai que j’entraîne le demi-fond et le fond, mais ils me demandent combien j’ai fait aux 10 km, combien j’ai fait au 5000 mètres. Moi personnellement je n’ai jamais couru les 10 km.

Maxence Rigottier : Jamais une compétition de 10 km de ta vie ?

Arthémon Hatungimana : Non, mais peut-être que si je le faisais, je le ferais dans les trente minutes. Je ne sais pas.

Maxence Rigottier : Tu as le niveau pour faire ce temps-là.

Arthémon Hatungimana : Je suis un coureur du 400, donc vous savez bien que les sprinteurs ne s’aventurent pas à faire le 10 km à part quelque un – ils le font pour garder le pied en athlétisme. Mais j’ai fait du footing avec les athlètes (des 10 kms), donc si je me lance à faire le 10 kms – et je sais que je peux le faire en 30 min – ce serait uniquement pour ma santé.

Maxence Rigottier : Pour ton bien-être.

Arthémon Hatungimana : Exactement.

Maxence Rigottier : Pour rebondir sur tes propos là que t’as eu juste avant, comment t’es venu l’idée de devenir entraîneur ? Pour quelle(s) raison(s) ?

Arthémon Hatungimana : C’était à la fin de ma carrière. Moi je me suis entraîné avec Bruno Gajer qui est entraîneur national de demi-fond à la FFA ( Fédération française d’Athlétisme).

Maxence Rigottier : Il t’a demandé qu’est-ce que tu allais faire pour ton après-carrière.

Arthémon Hatungimana : Exactement, mais aussi à mon club où je faisais des animations aux benjamins, et puis mon affectif était parti de là. Je voyais que j’avais le feeling avec les enfants, on s’entendait bien ; après je m’étais dit : « Tiens ! et si je me lançais, peut-être que ça pourrait me faire du bien » ; donc ceci m’a permis de rester dans le milieu de l’athlétisme. Ensuite j’ai passé les diplômes d’entraîneur. Voilà, je me suis lancé comme ça. Maintenant j’entraîne au PUC le demi-fond.

Maxence Rigottier : Et tu as principalement des athlètes de ta discipline le 800 mètres – 400 mètres ?

Arthémon Hatungimana : Oui, j’ai des jeunes au 400, au 800 et au 1500 mètres, et même jusqu’au marathon. J’ai un athlète qui a fini vingt-troisième au cross long et huitième aux Championnats de France, une préparation ainsi pour le marathon de Paris le 7 avril. En fait, être entraîneur, c’est aussi avoir le feeling avec les athlètes. c. c. Ne sont pas seulement d’avoir les connaissances, mais il faut être très relationnel aussi.

Maxence Rigottier : Apprendre la personnalité, le caractère de ces athlètes.

Arthémon Hatungimana : Exactement. On est avant tout éducateur ; il faut savoir quoi faire avec ses athlètes.

Maxence Rigottier : Sil y avait trois erreurs que tu as observées chez les athlètes concernant le 800 mètres, quelles ont été ces erreurs, venant de ton propre vécu ou de celui des autres ?

Arthémon Hatungimana : Je pense que souvent on est stressé par l’idée de vouloir savoir où on en est dans la préparation. C’est surtout au mois d’avril/,mais qu’on commence à se tester pour voir où on en est. Donc c’est la période où on commence à monter bien en forme. J’ai vu beaucoup d’athlètes, c’est surtout les gros tests, aussi au 600 mètres. Quand on arrive à répéter deux fois 600 mètres, ça veut dire qu’on a vidé la batterie ; et quand on attend une course dans deux semaines, j’ai remarqué qu’on ne peut pas recharger la batterie tout de suite.

Maxence Rigottier : Faire une séance de 600 mètres deux semaines avant une compétition, on “se grillent”.

Arthémon Hatungimana : une séance qui dit bien « genre- test »

Maxence Rigottier : Test sur du 600 mètres, où on donne le meilleur de soi-même.

Arthémon Hatungimana : Voilà où on part à fond, car j’ai remarqué que ça vidait la batterie de l’athlète, le corps restait vide pendant quelques jours. Ce sont là les erreurs à éviter. Deuxième erreur à éviter, c’est surtout quand un athlète de 800 mètres fait des séances de 200 ou 150 mètres rapides dans un état de forme. Quand la forme est au sommet, ces types de séances sont à éviter.

Maxence Rigottier : Parce qu’on va trop vite ?

Arthémon Hatungimana : On va trop vite, le muscle est bien, et des fois il peut craquer tout de suite.

Maxence Rigottier : La blessure peut arriver dans la seconde.

Arthémon Hatungimana : Blessure qui peut gâcher la saison complète de l’athlète.

Maxence Rigottier : Et toi tu m’évoquais également que tu as été souvent blessé. Quels sont les types de blessures que tu as eues par rapport au 800 mètres. Quelles sont les blessures que l’on peut avoir quand on est un coureur de 800 mètres ?

Arthémon Hatungimana : Les blessures que j’avais souvent moi, c’est les tendinites, genou et tendon d’Achille. C’était quelque chose que j’avais, mais je sais très bien que souvent cela vient du froid. J’ai remarqué que cela se produisait entre octobre et mars.

Maxence Rigottier : Dès que la chaleur revenait, ton corps chauffait et tout allait.

Arthémon Hatungimana : Exactement, et aussi une expérience avec Bruno Gajer où on a remarqué qu’en faisant plus de pistes cela me causait plus de tendinites pendant l’hiver.

Maxence Rigottier : Le corps n’est pas habitué à trop courir sur la piste, elle est trop dure.

Arthémon Hatungimana : La piste est trop dure, le béton causait du froid. J’ai remarqué quand je suis arrivé avec lui en 2000, nous sommes allés dans un parc, on a balisé quelques distances de 100 à 2000 mètres, et ce fut une saison où je faisais tous mes entraînements dans la nature, aucune blessure. Ça, c’est une expérience.

Maxence Rigottier : Tu n’as pas couru une seule fois sur une piste synthétique, uniquement dans la nature ?

Arthémon Hatungimana : À l’INSEP ils ont de la chance, il y a une salle couverte, donc une salle où on y allait juste pour faire un rappel de vitesse. Et donc on ne faisait pas 2000 mètres ou des séries de 600 sur la piste. Tout ça, on le faisait dans la forêt, dans le parc. Et là aucun bobo, donc c’est une expérience.

Maxence Rigottier : Tu as continué du coup ?

Arthémon Hatungimana : Oui, oui.

Maxence Rigottier : Tu as trouvé la solution pour toi.

Arthémon Hatungimana : En 2001 c’est là où j’ai battu mon record ; c’est ce qui montre bien que quand le corps est bien…. J’ai pensé arrêter ma carrière en 1999, mais en changeant de système d’entraînement, ça a bien marché pour moi.

Maxence Rigottier : D’accord. Et en tant qu’entraîneur, comment retirer le meilleur de l’athlète, en vue de voir son athlète réussir, et s’améliorer sans cesse ? Comment faire pour y arriver ? Quel est le rôle de l’entraîneur ?

Arthémon Hatungimana : C’est l’observation, connaître l’âge de l’athlète, faire attention aux excès puisque des fois qu’on est entraîneur, on est content que l’athlète améliore ses temps à l’entraînement.  l’athlète améliorait ses temps à l’entraînement, mais il faut relâcher pour ne pas faire des bêtises de blessures, et donc il faut que l’athlète se perfectionne. Je disais à mes jeunes que je les ai entraînais non pas pour faire une liste maison, mais que c’était pour eux, pour qu’ils pratiquent au moins pendant dix ans. Il faut donc y aller doucement. En cadet on ne peut pas entraîner comme en espoir. Il faut différencier les choses.

Maxence Rigottier : Étape par étape

Arthémon Hatungimana : Étape par étape , et donc âge par âge. La majorité ce sont des élèves étudiants, donc il faut leur donner le goût de rester en athlétisme.

Maxence Rigottier : L’objectif est de ne pas écoeurer l’athlète.

Arthémon Hatungimana : Oui, ce n’est pas de former un champion de France cadet, et en arrivant en espoir on ne voit plus personne. Je pense que là ce sont des erreurs qui touchent beaucoup le monde de l’athlétisme. Donc vous remarquerez beaucoup de bons cadets.

Maxence Rigottier : Pour toi, il y a beaucoup trop d’entraîneurs qui poussent.

Arthémon Hatungimana : Non, non. Je ne sais pas s’ils poussent ou non, mais j’ai remarqué qu’il y a beaucoup de cadets qui sont très forts ; souvent on ne les voit pas dans les séniors.

Maxence Rigottier : D’accord. Soit ils ont arrêté parce qu’ils ont en avaient marre des entraînements trop poussés..

Arthémon Hatungimana : Voilà ! Est-ce qu’ils en donnaient trop ? Est-ce qu’ils sont empêchés par leurs études ? Il y a donc de multiples questions, il y a beaucoup de paramètres, il y a la vie à côté. Il faut savoir. Mais ce qui a été bon cette année dans le centre, souvent ça ne tenait pas beaucoup. Est-ce qu’il étaient entraînés trop tôt. ? Est-ce qu’ils étaient impressionnés par le centre. Donc il y a beaucoup de questions à se poser. Il faut laisser la question au DTN (directeur technique national).

Maxence Rigottier : Et quand tu reçois un athlète lui poses-tu des questions par rapport à son passé pour adapter un peu un entraînement spécifique à ses besoins, ou tu te fixes essentiellement par rapport à son objectif futur ? S’il te dit bon là maintenant je vais faire un 800 mètres avec un tel chronomètre, tu ne te préoccupes pas de son passé, comment procèdes-tu ?

Arthémon Hatungimana : Si, si, il y en a qui s’aventurent, donc quand quelqu’un arrive et fait 2 min 3 s , il va dire qu’il veut faire 1 min 56 s. donc ce n’est pas cette année qu’il faut le faire. Il faut alors tenter en deuxième année avec l’entraîneur. L’objectif est de lui apprendre à bien travailler.

Maxence Rigottier : Concernant le stress du jour J de la compétition , parce que certaines fois on peut avoir affaire à un programme d’entraînements parfaits, les chronos vont bien, et le jour de la course, parce qu’on a perdu ses moyens, parce qu’on n’a quasiment pas dormi la veille, ou pour des raisons x ou y, on passe complètement à côté de sa course. En tant qu’entraîneur, comment faire pour que l’athlète soit présent le jour J de la compétition ? Pour qu’il ne soit pas tétanisé, angoissé, et stressé par rapport à sa compétition.

Arthémon Hatungimana : Oui, donc j’ai déjà vu ça. Il y a deux types d’athlètes. Il y a les athlètes qui stressent, mais c’est dans le stress qu’ils deviennent de bons athlètes de corps. Le stress au lieu de le transformer en énergie négative, ils le transforment en énergie positive. Cela veut dire que l’athlète a mal dormi, qu’il est cuit, non ! Cela veut dire qu’il faut connaitre dans son esprit ce que l’on veut faire. Il y a d’autres athlètes, ils sont très bien à l’entraînement, ils sont au sommet, ils battent même tout le monde, mais en compétition ils arrivent, on ne les voit pas.

Maxence Rigottier : Ils se font battre par leurs amis de l’entraînement (rire)

Arthémon Hatungimana : Non, mais c’est une question au niveau de la tête.

Maxence Rigottier : Il y a un blocage mental.

Arthémon Hatungimana : Il y a un blocage mental. Souvent c’est les athlètes qui s’entraînent dans les groupes ; de toute façon tout le monde doit passer par les groupes. Et vous remarquez beaucoup d’athlètes, c’est les athlètes qui ont envie de battre les autre pendant l’entraînement, et le jour J de la compétition c’est eux qui partent dans le fossé, et ceux qui étaient des lions, tranquillement, parce qu’ils savent bien que c’est le jour J où on donne tout, donc c’est eux qui montent, et à cet athlète il est difficile de lui expliquer laquelle est une compétition, et laquelle ne l’est pas. Ils sont stressés de nature au fait.

Maxence Rigottier : Ils veulent tout le temps…

Arthémon Hatungimana : réussir à l’entraînement, donc je suis devant, je suis devant. Mais le jour de la compétition, comme il a tout donné à l’entraînement, et l’entraîneur aussi ne peut pas tout contrôler, tu peux passer n’importe quel test, il est là à ce niveau, mais après quand il n’aura personne à sa compétition il est en dessous. On ne sait pas pourquoi; il ne peut pas surmonter ça, c’est parce qu’il donne trop à l’entraînement, en fait il est en ‘’survitesse’’ tout le temps.

Maxence Rigottier : Quels sont les conseils que tu donnes généralement à des athlètes comme cela ? Tu leur dis : « doucement ! à l’entraînement on se calme un petit peu ».

Arthémon Hatungimana : Oui, on essaye de voir un athlète, son niveau, et on essaye de lui expliquer quelques passages très simples, le passage sur un 100 mètres, s’il va faire un 600 mètres, si c’est un athlète qui peut faire 1 min 40 s – je parle des jeunes – donc lui, qu’est-ce qu’il va faire ? Des fois il va t’impressionner quand on lui dit de faire 1 min 30 s . C’est là où il faut se battre en fait, puisque là il a déjà fait sa compétition.

Maxence Rigottier : Il est meilleur à l’entraînement qu’en compétition.

Arthémon Hatungimana : Exactement, et donc il essayera d’impressionner, de montrer qu’il est le meilleur, mais il oublie qu’il y a dix mois d’entraînement avant la compétition.

Maxence Rigottier : Et concernant l’échauffement avant la course, il faut quand même s’échauffer 30 minutes, 45 minutes voire une heure avant le 800 mètres, comment se déroule la préparation ?

Arthémon Hatungimana : L’échauffement c’est quelque chose de personnel, et un athlète ne peut s’échauffer comme un autre.

Maxence Rigottier : Car c’est vraiment par rapport à soi-même.

Arthémon Hatungimana : C’est par rapport à soi-même, et donc par exemple avec mon expérience ici en handisport, les athlètes infirmes moteurs cérébraux, les déficients visuels et les amputés ne peuvent s’échauffer de la même façon.

Maxence Rigottier : Logique.

Arthémon Hatungimana : même chose chez les valides. Et donc il y a qui ont en besoin, ainsi l’échauffement devient mental. Il y a ceux qui préfèrent faire l’échauffement la veille, et le jour J il n’y a pas de réveil musculaire. Ils arrivent ici au stade deux heures avant : il y en a qui commençant par des étirements ; il y en a qui aiment faire vingt minutes avant la course.

Maxence Rigottier : Vingt minutes de footing.

Arthémon Hatungimana : oui, de footing. Un autre dirait qu’il faut qu’il commence tôt.

Maxence Rigottier : Pour être sûr d’être prêt et chauffé ?

Arthémon Hatungimana : Voilà ! Je pense qu’il incombe à l’entraîneur d’observer l’athlète et lui apprendre comment faire son échauffement, puisqu’il n’y a pas de règle d’échauffement. « Chaque corps doit à sa pile », c’est l’énergie, il y a dû Duracell comme il peut y avoir je ne sais quoi. Vous voyez, chacun s’échauffe à sa façon. Je ne peux pas dire que tel ou tel échauffement soit le bon . Je ne crois pas que ça peut faire du bien à tout le monde. Donc, certains aiment bien l’échauffement, et peuvent s’échauffer quinze minutes en faisant plus de gammes, ou encore faire trente minutes moins deux gammes.

Maxence Rigottier : C’est vraiment en fonction de chacun ?

Arthémon Hatungimana : Oui c’est vraiment en fonction de chacun.

Maxence Rigottier : Certaines personnes vont faire un petit footing et ensuite vont faire leurs gammes et finir par quelques sprints ; d’autres vont faire beaucoup moins, ou voir beaucoup plus.

Arthémon Hatungimana : Exactement. L’échauffement, je trouve que c’est un peu individuel, c’est l’entraîneur personnel qui peut guider l’athlète. Le jour de la course, c’est peut-être qu’il s’est beaucoup échauffé, c’est-à-dire qu’il a tout vidé pendant l’échauffement, et donc dans sa course suivante on va essayer de le faire s’échauffer moins. L’autre jour, troisième compétition, peut-être qu’on va faire un petit peu de footing et plus de gammes, et c’est l’entraîneur et l’athlète qui doivent expérimenter son  type d’échauffement avant la course.

Maxence Rigottier : Et pour finir avec ça, une dernière question. Combien de temps avant une course de 800 mètres doit-on faire son dernier repas ? Et également, est-ce qu’il y a un aliment qu’on doit manger ? Tu me disais tout à l’heure en dehors de l’interview, que non, que toi tu mangeais normalement. Combien de temps avant le départ d’un 800 mètres un coureur doit-il prendre son dernier repas pour être sûr d’être à 100% au moment de la course ?

Arthémon Hatungimana : Entre quatre heures et demie et cinq heures, c’est parfait. On est sûr qu’on a digéré. Moi, je ne suis pas quelqu’un qui grignote, ça me convenait très bien. Je n’ai jamais eu un problème d’indigestion.

Maxence Rigottier : Entre quatre et cinq heures avant, même cinq heures c’est mieux ?

Arthémon Hatungimana : C’est parfait.

Maxence Rigottier : On a bien digéré.

Arthémon Hatungimana : Oui, on a bien digéré tout ce qu’on a mangé. Il faut éviter de manger le gras. Tout ce qui peut rester longtemps dans l’estomac. Je déconseille le beefsteak. (rires)

Maxence Rigottier : Tu déconseilles le beefsteak ? (rires)

Arthémon Hatungimana : Oui je le déconseille le jour de la compétition, comme le jour de l’entraînement d’ailleurs.

Maxence Rigottier : Et pour quel motif ?

Arthémon Hatungimana : Parce que ça ne se digère pas bien, ça reste sur l’estomac.

Maxence Rigottier : mauvaise expérience. (rires)

Arthémon Hatungimana : Il faut bien manger, normalement il ne faut pas se stresser, car si l’estomac est vide c’est une performance de moins. Moi personnellement je mangeais plus de pâte le jour de la compétition, c’est quelque chose qui se digère bien, et si je mets la viande là-dessus c’est de la viande blanche.

Maxence Rigottier : Pour finir sur une touche, peux-tu nous parler un petit peu du handisport ? Ton rôle et également qu’est-ce que ça rapporte à la société, aux athlètes pour pouvoir faire du sport, etc. ? Qu’est-ce que tu ressens par rapport à toutes ces valeurs du handisport ?

Arthémon Hatungimana : Franchement, c’est quelque chose que je conseille à tous les entraîneurs et d’en faire l’expérience à l’intérieur. Ce sont des athlètes comme tout le monde, mais ils donnent plus l’image d’un athlète qui a envie de réussir, et ça, on l’a remarqué. Moi j’ai connu le handisport -c’était en 2001- quand ils se préparaient pour aller à Sydney. Je me rappelle, on était à Montpellier, je prenais le bras d’Aladji Ba, j’essayais de le guider sur la pelouse, et depuis voilà je suis tombé amoureux avec ce sport. En étant entraîneur national, j’ai commencé en 2010, mais avant je faisais des formations pour ceux qui travaillent au service du handisport. C’était très émouvant et génial. Maintenant je suis le 400 mètres, le 800 mètres et le demi-fond au niveau national. Ce sont des athlètes qui se donnent à fond, et le problème c’est qu’il faut les détecter chez les jeunes. Il y a qui ne veulent pas trop savoir sur ce qui est écrit sur le handicapé, essentiellement sur les déficients visuels. Mais il ne faut pas cacher l’handicapé, ce n’est pas péjoratif, maintenant c’est un atout. Il faut valoriser l’athlète malgré son handicap, qu’il soit comme tout le monde et qu’il puisse représenter et en mettre en avant les valeurs de son pays.

Maxence Rigottier : J’ai assisté à deux entraînements de tes athlètes, et ils m’ont impressionné par rapport à leur envie, leur courage ; s’ils avaient une petite blessure ou quelque chose relative à la course à pied, etc., et bien là on se rend compte qu’on n’a rien par rapport à ce qu’ils peuvent avoir : ils ont un handicap, quand on ne voit quasiment pas, ou si on une jambe en « moins », je leur dis chapeau. Je les respecte parce que c’est impressionnant de les voir à ce niveau.

Arthémon Hatungimana : Ce qui est impressionnant, c’est que ces athlètes continuent à donner plus alors que les valident, on a tendance à rester quatre jours à la maison.

Maxence Rigottier : Le confort.

Arthémon Hatungimana : En fait ici, si on ne les freine pas, ils vont chercher encore à se donner ; donc il faut les écouter, en sport il faut les écouter, il faut savoir ce qu’ils ont, et leur apprendre à arrêter quand il est tôt. Quand il est trop tard, c’est compliqué. Vous savez, il y a plusieurs handicaps, et le plus complexe se trouve chez les IMC (infirmes moteurs cérébraux) – des personnes qui ne savent pas si elles sont fatiguées ou pas, mais qui aiment bien donner le maximum.

Maxence Rigottier : Et s’entraînent tout le temps.

Arthémon Hatungimana : Oui, et souvent c’est la compétition aussi.

Maxence Rigottier : Merci pour cette interview réalisée à Malte où l’équipe de France handisport s’entraînait pour un stage dans le cadre des Championnats du monde d’athlétisme qui auront lieu à Lyon en juillet 2013. Une nouvelle fois merci pour cette interview et à la bientôt pour de nouvelles vidéos de course à pied. Bye.

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