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Transcription texte de l’interview audio :
Maxence Rigottier : Bonjour, c’est Maxence Rigottier de blog course à pied. Aujourd’hui, j’ai l’honneur d’accueillir Ludovic Dilmi. Salut Ludovic.
Pour toutes les personnes qui ne connaissent pas Ludovic Dilmi, tu es le champion de France du 100 km en 2011. Ton record personnel est de 7h23m15s sur le 100 km, donc c’est une moyenne de plus de 13,5 km/heure. Tu es également vice-champion de France pour les 24 heures, ce qui est quand même un parcours assez impressionnant. Je voudrais que tu racontes un petit peu tes débuts de la course à pied jusqu’à aujourd’hui.
Ludovic Dilmi : Bonjour Maxence. Mes débuts de course à pied : j’ai couru lorsque j’ai un peu arrêté le vélo lorsque j’avais une vingtaine d’année. J’ai fait du vélo en club de cyclotourisme. Ça me plaisait bien, mais le problème pour continuer à faire du vélo et performer dans ce sport, c’est qu’il faut y passer beaucoup de temps. Après, la vie étudiante est là, puis ensuite la vie professionnelle.
Et naturellement, je me suis orienté vers la course à pied, sans être dans un club. Je courrais plusieurs fois par semaine, assez régulièrement, deux ou trois fois par semaine, et je faisais mes sorties, parfois vite parfois moins vite. Donc voilà, ça a commencé comme ça, et j’ai continué parce que ça me permettait de gérer mon emploi du temps. Il y avait aussi le fait de chausser ses chaussures pour courir quand on a du temps de libre, c’est facile à gérer.
Ensuite quelques courses, courses sur route, semi-marathon, etc. Après j’ai continué tranquillement en augmentant régulièrement un petit peu les km. Je me suis rendu compte que au bout d’un moment ça commençait à fonctionner, mais assez tardivement.
Et puis j’ai vu que je me rapprochais des minimas pour faire des championnats de France notamment en passant vétéran et j’ai continué un petit peu comme ça, mais sans autre objectif que celui de faire un peu mieux et de battre mon record régulièrement. Et au fur et à mesure, j’ai augmenté les km, j’ai mieux travaillé les vacances d’été, je suis rentré dans un club (Rambouillet Sport Athlétisme) en 2004, puisque là en l’occurrence j’ai fait hâte à me qualifier pour les championnats de France de marathon. Au fur et à mesure, je me suis pris de plus en plus de goût, j’ai amélioré mes chronos, et maintenant je suis rendu effectivement à être sélectionné en équipe de France, déjà en 24 heures en 2011. Mais les championnats du monde n’ont pas eu lieu puisqu’il y a eu un désistement de dernière minute de la ville qui devait les recevoir. Puis en 2011, je me suis sélectionné à nouveau pour les 24 heures, avec les 24 heures de Séné où j’ai battu mon record avec 252 km et j’ai réussi une performance que je n’attendais pas trop. J’espérais bien me placer pour les 100 km de Theillay pour les championnats de France en tant que vétéran, mais je n’attendais pas du tout une place de premier. Et là je suis devenu champion de France.
Maintenant je suis rentré en sélection France pour les championnats du monde qui vont avoir lieu la semaine prochaine, le dimanche 22 avril 2012 en Italie, à Seregno à côté de Milan.
Voilà un petit peu le parcours. En fait, je suis un coureur du dimanche comme on dit. Qui a de plus en plus performé, qui s’est pris au jeu, qui est rentré dans des spécificités d’entrainement… qui a appris beaucoup.
Ma particularité, c’est celle de mélanger à la fois mon expérience personnelle assez forte et une expérience de club, une expérience d’entrainement, d’athlétisme. En mêlant les deux, j’arrivais à faire des choses intéressantes.
Maxence Rigottier : Tu as commencé en quelle année exactement, la course à pied après le vélo ?
Ludovic Dilmi : J’avais une vingtaine d’années, c’était dans les années 85 puisque je suis né en 1965. Mais j’ai toujours fait du sport : du foot, du vélo, du volley, du basket… J’ai toujours été attiré par le sport, et avec les études, on ne se met plus qu’à un seul sport, et avec le travail, c’était la course à pied pour des questions de temps.
Maxence Rigottier : Tu es monté progressivement, 10 km, semi-marathon, marathon, 100 km ? Comment ça s’est déroulé pour arriver à courir de telles distances et même à faire la course des 24 heures ?
Ludovic Dilmi : Oui, je suis monté progressivement. Mais je crois que ma première course était un semi marathon, et très vite, j’ai voulu m’essayer sur le marathon. J’en ai fait un en 1997. J’ai toujours aimé cette impression de liberté en courant et en courant longtemps. Ce qui m’anime quand je cours en faisant des distances longues, c’est de trouver un certain plaisir à courir assez longtemps, à gérer son corps, à gérer son effort sur la distance, et c’est vrai que très vite, très naturellement, les distances me permettent d’être bien et de tirer mon épingle du jeu dans les classement car sur le court, je ne suis pas assez rapide. Dans les distances courtes je ne fais pas une super performance. Par contre ça s’améliore avec le long car j’ai un niveau de résistance et d’endurance qui est relativement fort.
Maxence Rigottier : Ton record personnel se situe à 13,5km/heure sur 100 km de moyenne, ce qui est assez impressionnant.
Ludovic Dilmi : Oui mais quand on regarde bien les records du monde sur la distance, ils sont quand même relativement bas. On est sur du 6h15-6h20. C’est effectivement impressionnant. Le record de France de Pascal FETIZON est de 6h23m15s, donc une heure de moins que moi à la seconde près. Là on est sur des performances encore plus extraordinaires. Il a un record de 2h14m en marathon, il a réussi 6h23m c’est relativement impressionnant. Même si au classement mondial ça tient la route, je suis quand même loin des meilleures performances mondiales sur 100 km. Donc il faut relativiser quand même les performances. Ce sont des bonnes performances de très bon niveau, mais le haut niveau est encore un cran au dessus.
Maxence Rigottier : Pour atteindre l’élite mondiale, il faudrait que tu descendes en dessous de 6h30m, je suppose.
Ludovic Dilmi : Disons que lors des championnats du monde qui vont se jouer dans une semaine, le vainqueur va arriver autour de 6h25m – 6h20m peut-être, 6h30m je suis sûr. Aujourd’hui, l’élite mondiale se situe à ce niveau là. Ce sont des performances relativement importantes. Mais ce sont des gens qui ont des vitesses relativement élevées et qui ont des performances, des records sur marathon de premier plan.
Maxence Rigottier : J’imagine. Mais du coup, puisque tu cours de telles distances, racontes nous un peu ton quotidien pour préparer des 100 km ou des 24 heures parce que c’est quand même, je pense, des entrainements très poussés qui prennent pas mal de temps. Quelle est la semaine type ?
Ludovic Dilmi : Effectivement le 100 km, mais aussi les 24 heures c’est un peu la même chose, sauf qu’on ne s’entraine pas sur les mêmes allures. Le 100 km, c’est des entrainements qui pour moi se situent autour de 200 – 220 – 230 km par semaine, donc ça prend du temps, en même temps, il y a le travail à gérer, donc c’est tôt le matin, voire très très tôt quand il y a des priorités de travail (6-7h), et puis très tard le soir, il m’arrive régulièrement de rentrer vers 22-23h. Et ça c’est tous les jours, deux fois par jour. Avec de l’intensité, de la VMA puisqu’on joue sur toutes les gammes pour améliorer ses performances, donc la VMA, les vitesses seuil… on joue sur tous les paramètres, ce qui fait entre 15 et 20 heures d’entrainement par semaine pour des semaines types. Pour les 24 heures c’est un peu différent, on va travailler un peu plus sur le spécifique, on va intégrer de l’intensité, mais dans une moins grande mesure, et on va d’avantage travailler sur la notion de km avalés, et le fait de se rentrer dedans, de se faire mal, et de supporter la douleur. Et le lendemain on recommence pour bien gérer la douleur.
Maxence Rigottier : Mais quand tu dis que tu cours entre 220 et 250 km par semaine, c’est des footings de 3 heures ?
Ludovic Dilmi : Oui.
Maxence Rigottier : Quels sont les types de séance que tu fais ?
Ludovic Dilmi : Il y a une séance que j’aime bien, que j’ai faite hier soir par exemple. Une séance type c’est celle d’hier. Je fais un footing le matin de 45 minutes à forte intensité, sur lequel je mets des 10 x 1 minute avec récupération 30 secondes, donc déjà je suis sur des fractionnés courts. Le soir, je fais entre 10 et 15 km de footing où je rejoints le stade d’athlétisme, ensuite je fais du fractionné. Hier soir, j’ai fait 8 x 500m. C’était pas énorme, mais là je suis en fin de préparation puisque je l’ai terminé hier soir, donc maintenant je suis en récupération et je gère pour faire du jus. J’ai fait 8 x 500m et ensuite retour à la maison, encore une dizaine de bornes. Donc hier j’ai fait 11 km le matin, 29 le soir, soit 40 bornes réparties sur 2 séances, une de fractionnée le matin et une autre de long avec du fractionné, et le retour à la maison c’était en vitesse entre 15 et 15,5 km/heure, c’est-à-dire un peu plus que mon allure aux 100 km, mais un peu moins que l’allure marathon. J’ai fait 8 km hier en rentrant, un peu plus le temps de m’échauffer et après 8 km entre 15 et 15,5 km/heure.
Maxence Rigottier : Et du coup en faisant des gros gros entrainements comme celui là, tu arrives à digérer le nombre de km et à ne jamais te blesser ?
Ludovic Dilmi : Oui. J’ai une chance, je touche du bois, c’est celle d’être très très peu blessé. On m’a toujours dit « tu verras quand tu commences à faire des km, les blessures arrivent… » Pour l’instant ça fait des années que je fais comme çà, je ne suis pas blessé, donc je dirais qu’il faudra sans doute encore attendre quelques années, mais les choses qu’on nous dit aujourd’hui en athlétisme pur, la récupération, les blessures, les étirements… on entretient des paradigmes, des clichés, des idées reçues. En fait, il n’y a pas tant de vérités que ça. Ça ne veut pas dire que tout est faux, mais elles sont déjà propres à chacun, et ça il ne faut pas l’oublier, son corps ne réagit pas de la même façon que le corps d’un autre coureur. Il y a un apprentissage de son propre corps qui est fondamental, et le fait de dire qu’on cours beaucoup égale blessures, égale fatigue, égale ceci, égale cela, c’est pas vrai non plus. Ça peut être vrai pour un certain nombre de coureurs, mais pas pour tous, et très souvent on est dans des clichés qui sont véhiculés car ils ont la vie dure. Non pour l’instant pas de blessure on va dire graves. J’en ai eu, c’est passé, mais il n’y a pas eu de gros dommages, de gros bobos pour l’instant. Comme je dis, c’est pour l’instant, on n’est jamais sûrs de l’avenir.
Maxence Rigottier : Parce que tu n’as jamais eu de graves blessures pour le moment dans ta carrière de coureur ?
Ludovic Dilmi : Non. J’ai eu plus de blessures en faisant du foot, par exemple, que j’ai arrêté car à un moment donné. J’ai vu qu’on est moins rapide sur les ballons… et c’est là qu’on se blesse. C’est vraiment un sport traumatisant avec le rugby, le ski. Mais l’athlétisme, c’est comme tous les sports, on peut se blesser, mais pour l’instant j’ai la chance de passer à travers. Est-ce que c’est dû à une technique de pied un peu différente ? Est-ce que c’est dû au fait que je sois venu un peu plus tard, il y a peut-être un petit peu de tout ça mélangé. Mais pour l’instant pas de très grosses blessures ou des blessures qui m’ont empêché complètement de courir pendant des mois.
Maxence Rigottier : D’accord, je voulais revenir aussi sur une autre question, généralement en course à pied, il y a ceux qui sont pour à 100% pour faire des étirements et d’autres qui sont contre. Quel est ton avis ? Fais-tu des étirements, et si oui ou non pourquoi ?
Ludovic Dilmi : Tout dépend des disciplines qu’on pratique. Je ne fais pas de court. J’imagine que peut-être pour le court c’est plus intéressant de faire des étirements. Pour le long, ce n’est certainement pas nécessaire. Il n’y a aucun intérêt, même pour le marathon. Quand je dis le long il faut prendre les marathons et au-delà. Je dirais que le seul intérêt vraiment c’est celui de garder une certaine souplesse au niveau du corps. Pour les personnes qui sont un peu plus âgées comme moi, qui sont dans les catégories vétérans, le fait de s’étirer c’est plus sur une notion de souplesse et d’exercice du corps pour garder une petite amplitude, mais c’est tout. Il n’y a pas d’intérêt à l’étirement par rapport à la performance. Moi je me suis étiré pendant quelques années. Ça ne m’a rien apporté sur le plan de la performance, du chrono… ça n’apporte rien. Et je dirais même plus, à la limite, c’est même plus grave dans le sens où on est pas forcément très bon sur les étirements, et ça peut être traumatisant, on peut se blesser avec des mauvais étirements. Je pense que pour la partie de course à pied longue, ça n’apporte rien. Pour moi c’est aujourd’hui quasi sûr, sauf à garder une certaine souplesse.
Maxence Rigottier : Du coup, tu ne fais jamais d’étirements ?
Ludovic Dilmi : Jamais. Et je ne suis pas plus blessé que ça à ne pas en faire.
Maxence Rigottier : Par contre, fais- tu de la récupération et si oui, quel type de récupération fais-tu après chaque séance ? 10-15 minutes où tu trottines, plus ou moins ?
Ludovic Dilmi : Oui la récupération c’est des footings lents. Par contre je suis plus convaincu, de par mon expérience, par des intensités lentes. C’est-à-dire qu’il faut savoir travailler vite puis il faut savoir travailler lentement. Et le lentement est aussi important que le vite. C’est-à-dire qu’à un moment donné on laisse son corps en mouvement et ça permet tout en faisant de l’exercice de faire circuler le sang, de se trouver une certaine aisance, de se trouver un confort de course… On en a besoin pour retrouver du plaisir. C’est un petit peu comme une douche après le sport. La récupération c’est un peu ça aussi. C’est retrouver un plaisir psychologique, un plaisir du corps… Et c’est quelque chose d’essentiel. Après un exercice d’une intensité relativement forte ou longue, le fait de trottiner et de récupérer, ça me parait essentiel. Mais pas simplement sur la partie physique, il y a aussi cette partie psychologique.
Maxence Rigottier : Exactement. Surtout, ça permet de faire retomber toute la fatigue du corps en faisant de la récupération, je pense.
Ludovic Dilmi : Oui c’est ça. Puis de faire circuler son sang, de ressentir des bonnes sensations qui ne sont pas seulement celles de l’effort, de la dureté, et de la fatigue, mais celles du plaisir. On revient comme un cheval qui court à forte intensité, il revient à une petite allure. Ce qui est naturel. Le corps a besoin de récupérer, mais tout en gardant ce mouvement qui est essentiel à notre pratique.
Maxence Rigottier : Je vais rebondir sur une question. Tu es un coureur de 100 km et de 24 heures. Qu’est-ce que tu aimes dans le simple fait de courir ? Et pourquoi tu n’as jamais arrêté de courir ?
Ludovic Dilmi : Déjà, moi, le sport ça a toujours fait partie de ma vie.
Maxence Rigottier : Toute ta vie tu as fait du sport.
Ludovic Dilmi : Oui, toute ma vie. Et tout gamin, je faisais des courses de village à une époque où il y avait des petites kermesses dans les villages, et déjà ça me plaisait. Bon parce que ça marchait bien déjà, j’étais assez rapide quand j’étais gamin. Et ce goût de l’effort, ce goût de la résistance ça m’a toujours plu. Le vélo j’aimais bien ça car j’étais capable de rouler pendant des km et des km, de la même façon que la course à pied parce que j’avais cette notion de plaisir, cette notion de puissance, de pas sentir la fatigue pendant des heures. Et ça, ce que je fais j’aime bien. Le fait de gérer une allure, mais une allure relativement rapide. C’est ce côté plaisir, long temps, gestion de la course, gestion du corps, et ce sentiments d’aller toujours plus loin. On n’est pas dans l’aventure africaine, on est à la porte de chez soi, et malgré tout on fait des choses qui sortent un petit peu du commun. Par exemple, courir la nuit, il fait froid, c’est l’hiver, mais on est bien, on est bien réchauffé, avec une pluie fine. J’adore ça. A des 10-11h, j’aime bien, la route est pour moi, il n’y a plus personne sur les routes de campagne où j’habite. Moi, courir pendant tout un temps comme ça, à une allure, on va dire soutenue, mais sans être très forte ni être très lente, j’aime ça.
Maxence Rigottier : Je rebondis sur une notion fondamentale que tu viens d’évoquer, c’est vraiment la notion de plaisir. C’est-à-dire que si l’on veut réussir dans la course à pied et également continuer à courir pendant des années et des années, il faut absolument prendre du plaisir, parce que si ça devient un calvaire, forcément on va vite arrêter.
Ludovic Dilmi : Oui, complètement, le sport effectivement c’est comme une autre activité, il faut qu’on se sente bien dedans, il faut que le plaisir soit là, que les sensations soient là… ça fait parti des choses qui permettent de durer longtemps. Moi, c’est vraiment Le sport passion. J’aurais pu faire d’autres sports, je pense que j’aurais pu être même meilleur au niveau du vélo parce que j’ai une force au niveau des reins et des cuisses relativement importante. Je pense que j’aurais un petit peu plus dégagé de performance sur un vélo, mais après je fais pas que du sport et il m’a fallu choisir une vie professionnelle… Si c’était à refaire, je crois que je referais autrement.
Maxence Rigottier : Et tu cours aussi pour le dépassement de toi-même, le dépassement de soi et toujours s’améliorer ?
Ludovic Dilmi : Oui, comme beaucoup de coureurs.
Maxence Rigottier : Tu as raison. Exactement.
Ludovic Dilmi : Ce qui est important, c’est quand on a fait 35 minutes aux 10 km, c’est de faire 34m50s la prochaine fois. Et après quand on a battu son record, on est super content et on se dit « peut-être bien que je suis quand même capable de faire 34m45s », et puis on y va. Et c’est ça qui nous permet de durer longtemps car on se dit toujours que l’on pourrait faire mieux. Moi j’ai commencé le sport un peu plus intensivement il y a un peu plus d’une dizaine d’années, 12 – 15 ans peut-être, et à un moment donné, il y a une personne qui courait qui avait un très très bon niveau qui me disait « ah tu verras, dans 10 – 15 ans tu arriveras encore à progresser ». Je disais que ce n’était pas possible, il y a quand même la vieillesse, l’âge du corps… Et bien il avait raison. On se fait de plus en plus à son sport, ses muscles, son corps se perfectionnent par rapport à cette pratique. Et j’ai réussi à faire des choses, je suis beaucoup plus costaud et fort qu’à 20 ans. C’est incroyable. On se dit qu’on est pas foutu, pas vieux, et on dégage encore des performances, alors qu’on se disait non c’est à 20 ans. Et bien non, à 20 ans on est explosifs certes, mais très très fort, on l’est à 40.
Maxence Rigottier : Plus on avance dans l’âge, plus on allonge dans les distances ?
Ludovic Dilmi : Pour ce qui concerne la course à pied, oui, parce que la jeunesse, c’est quand même un élément qui permet d’exploser en court, de courir vite… Dans le départ, on le voit bien, lorsqu’on fait des courses assez régulièrement, les jeunes partent assez rapidement, et après on les retrouve au bout de quelques km, parce que la force de la jeunesse, c’est justement celle de courir vite et en très peu de temps. Nous notre force en tant que vétéran c’est celle de gérer son corps, c’est celle de bien se connaître, c’est l’expérience, et on est un peu plus diesel au fur et à mesure de l’âge, mais un diesel capable d’aller très loin.
Maxence Rigottier : C’est sûr. Parce que vu que t’arrives à courir des 100 km ou des courses de 24 heures, c’est quand même énorme.
Ludovic Dilmi : Tout à fait. Je ne pense pas que je l’aurais fait à 20-30 ans. On a besoin de bien se connaître, c’est quand même là l’essentiel. Evidement, je pense qu’il y a des jeunes qui commencent tôt qui ont donc une expérience plus tôt, et après ils progresseront plus vite. Ça ne veut pas dire que si on a moins de 30 ans on ne peut pas faire de super performances. Je pense le contraire, mais il y a cette notion d’années d’expérience qui est essentielle. Plus tôt on commence, mieux effectivement globalement, on aura de meilleures performances.
Maxence Rigottier : Pour tous les débutants qui nous écoutent, qui sont surement un petit peu effrayés de se dire 24 heures, 100 km c’est vraiment des distances incroyables, alors que beaucoup de personnes arrivent à courir juste 2-3 km, quels sont les 3 conseils indispensables que tu donnerais à un débutant qui souhaite se lancer dès demain dans la course à pied ?
Ludovic Dilmi : Je dirais que le 1er des conseils, c’est celui d’y aller progressivement, de ne pas brûler les étapes, puisque le fait de faire beaucoup de km, c’est quand même traumatisant au niveau du corps. On a connu certains qui commençaient le 50 km et qui passaient à 150 km en entrainement la semaine, et ça ce n’est pas possible. Donc il faut une certaine progressivité. Il faut du temps au temps. Il faut se faire son expérience, il faut augmenter progressivement ses km, il faut augmenter progressivement dans les compétitions en terme de km pour ne pas être dégouté et trouver du plaisir à toujours augmenter ses performances. Donc la 1ère chose c’est savoir progresser et être patient par rapport à ça.
La 2ème, c’est aussi celle de pouvoir casser des barrières et briser ces barrières psychologiques qu’on a, celles de nous dire que ce n’est pas possible, pas pour nous, qu’on y arrivera pas… Souvent nous nous mettons nous-même ces barrières. Il faut pouvoir passer outre. Et ça va aussi dans le sens de ne pas avoir peur de se donner des défis qui au départ sont difficiles, clairement se les visualiser, et se projeter dessus et à un moment donné, ça va passer. Là aussi avec une notion de persévérance. Ce n’est pas parce qu’une fois on échoue, que la 2ème, 3ème, 4ème fois on y arrivera pas.
Le 3ème conseil serait aussi de régulièrement travailler sur le sujet parce que c’est impossible de performer et de durer sur cette distance là sans un temps soit peu le faire. Il faut pouvoir dégager des volumes et des intensités relativement importants et pas simplement une ou deux fois. Il faut bosser dur.
Après, travail, persévérance, progressivité, patience, voilà un petit peu les conseils pour les gens qui voudraient débuter dans l’ultra.
Maxence Rigottier : Justement, je rebondis sur quelque chose qui est assez important, comment fais-tu pour casser les barrières mentales, pour ne pas avoir d’obstacles et se dire oui c’est possible d’atteindre tel objectif ? Pratiques-tu la méditation ? Fais-tu une activité annexe ? Comment fais-tu pour casser tes barrières mentales ?
Ludovic Dilmi : C’est une question pertinente car on a tous un petit peu des œillères qu’on s’est fabriqués et si c’est des barrières, elles sont logiques par rapport à soi-même. Le fait de passer outre, ce n’est pas si évident que ça. Après, chacun ses moyens. Je crois que les miens, c’est surtout une confiance en soi, une force intérieure qui me dit que c’est possible. Soit certains l’ont fait et il n’y a pas de raison que je ne le fasse pas, soit j’en étais pas loin la dernière fois et je pense pouvoir passer outre les difficultés auxquelles j’étais confronté. Je dirais que ça soit le yoga, ou la sophrologie, ou d’autres techniques, la 1ère des choses c’est bien se connaître et avoir confiance en soi. Savoir qu’à un moment donné, par exemple, pour moi c’est je n’abandonnerais pas, donc si je me motive très fort, je sais que je vais en baver, mais avec cette notion que je vais décliquer. Je ne me dis à aucun moment que je vais abandonner. Bien sûr, l’idée d’abandonner, 100 000 fois ça revient lorsqu’on est épuisé, mais il faut se combattre soi-même. De toute façon, l’ultra c’est une course contre soi-même. Au-delà des autres concurrents, où on se fait la course sur les derniers instants, les derniers mètres, les derniers km, c’est surtout ce point fort, et c’est une grosse confiance en soi qu’on peut acquérir par différentes techniques. C’est être sûr qu’on se donne un objectif et qu’on fera tout pour l’atteindre, et qu’on en a les capacités, et qu’on va apprendre.
Maxence Rigottier : Et pour tous les coureurs confirmés comme moi, quels conseils tu pourrais nous donner pour atteindre ton niveau ou un niveau encore plus important pour faire des belles choses dans la course à pied ?
Ludovic Dilmi : Je dirais que chacun a son niveau. Quelqu’un qui, mettons sur le 24 heures fait 180 km, et qui à un moment donné passe à 200 km, c’est tout à fait admirable. C’est sûr on le verra moins parce qu’on en parlera moins, mais pour lui ce sera très important et casser des barrières comme ça sur des 200 km, c’est quand même relativement important. Le conseil c’est d’y croire. Il ne faut pas donner de choses difficiles à atteindre, je prends l’exemple de quelqu’un qui fait 150 km en 24 heures évidement, demain il ne peut pas faire 200 km, c’est impossible, son corps ne peut pas le lui permettre. S’il fait 150 km assez régulièrement son objectif c’est 160-170-180 km avec du travail supplémentaire, avec pas mal de choses. Il faut quand même se fixer des objectifs raisonnables et réalisables. D’ailleurs très souvent, je le vois sur des courses ultra, et notamment ultra-trail, il y a des gens qui se fixent des défis mais qui n’en ont aucune capacité, soit parce qu’ils ne se sont pas donnés les moyens, c’est-à-dire avec un niveau d’entrainement relativement trop faible, soit parce qu’ils n’en ont pas les capacités physiques. Il faut admettre que les choses ne sont pas toujours possibles non plus, en fonction soit du temps qu’on y consacre, soit en fonction de ses capacités physiques. Mais ce n’est pas pour autant qu’on ne doit pas se dépasser soi–même. Il faut garder en mémoire que tout le monde n’est pas capable de courir 2h04m au marathon, ou 2h03m demain en terme de record, mais on peut faire de très belles carrières sportives avec des 2h10m, des 2h20m… Et se faire plaisir et être parmi les bons, ou si on fait 2h40m ou 3h parce qu’à un moment donné on était à 3h30m ou 3h45m et ça devient un exploit pour soi-même. C’est ce qu’il faut conserver, autrement il n’y aurait qu’un gagnant sur toutes les courses.
Maxence Rigottier : Exactement. Il ne faut pas confondre démesure et ambition.
Ludovic Dilmi : Oui c’est ça. A un moment donné, il y a des choses qui seront faisables, atteignables, réalisables, et il y en a d’autres où ce n’est pas possible. Moi je ne courrai jamais un marathon en 2h04m, ce n’est pas un objectif pour moi.
Maxence Rigottier : Je comprends. Egalement, une autre question pour tous les coureurs de marathon qui souhaiteraient monter sur le 100 km, que leur conseillerais-tu, puisque c’est quasiment 2 marathons et demi, comment faire pour arriver à faire l’intermédiaire ?
Ludovic Dilmi : Ce n’est pas compliqué, que c’est même plutôt simple. Un 100 km c’est un marathon ++. Il faut réduire son allure, il faut s’entrainer un peu plus régulièrement que pour le reste, il ne faut pas avoir peur de travailler. Donc un entrainement au volume et un entrainement en intensité. Mais c’est un marathon. Il faut le gérer de la même façon, mettre un petit peu plus de km mais pas non plus des choses infernales, et puis y aller et même si on marche un peu, ce n’est pas très grave, il y aura toujours des bons résultats par rapport à ce qu’on a prévu au départ. Dans un 100 km, il y a toujours une notion de vitesse, une notion de course à pieds, ça reste un marathon ++, à la différence d’un 24 heures où on rentre dans des configurations complètement différentes, qui sont celles de la résistance et de l’adaptation de son corps par rapport à cette distance là. Et là, c’est des notions un petit peu différentes. C’est vrai que de toutes les courses que j’ai fait, que ce soit course route, course nature, trail… Le 24 heures c’est un petit peu l’ITB de la route, c’est-à-dire que là on rentre dans des notions de résistance physique, où le corps doit s’adapter à différentes considérations de fatigue, d’alimentation… extrêmement difficiles. Le 24 heures c’est vraiment une compétition à part.
Maxence Rigottier : Souvent, des personnes néophytes me posent les questions suivantes : est-ce que en 100 km et 24 heures, les gens s’arrêtent ? Faîtes-vous des petites pauses ou l’arrêt est-il juste de 30s pour manger quelque chose ou boire, s’hydrater ?
Ludovic Dilmi : Oui. Alors sur 100 km, les 1er ne s’arrêtent pas, c’est clair.
Maxence Rigottier : Ils vont jusqu’au bout.
Ludovic Dilmi : Oui, on court pendant 7 heures à des allures relativement élevées, 6 heures 20 minutes pour les meilleurs. Il n’y a pas d’arrêt. Après les gens gèrent un peu plus la course. Ils peuvent marcher sur des parties un peu plus exigeantes. Si on marche sur des montées, on perd très peu de temps, notamment lorsqu’on est sur des coureurs qui sont sur des 9h-9h30-10h et au-delà. Le fait de marcher un petit peu peut permettre de récupérer et de repartir tranquillement. Je dirais qu’à la limite, une course marche sur la fin ça permet de bien terminer. Sur le 24 heures, il n’y a aucun coureur pour l’instant, à ma connaissance, qui n’a pas arrêté de courir pendant 24 heures, c’est-à-dire qu’on ne peut pas courir tout le temps. Par contre, moi je suis un type qui court au départ de façon plus importante. C’est-à-dire que je me rappelle avoir couru pendant 12 heures non stop. Je n’arrêtais pas. Et après j’ai fait des micro-pauses de 100 m pour en même temps m’alimenter, boire. Ce n’est pas que je ne buvais pas ou ne m’alimentais pas avant, mais avant je courais et là je prenais juste le temps de manger et boire rapidement pour repartir. Pour arriver à des kilométrages de 240-250-260-270, il faut effectivement courir le plus longtemps possible et limiter les temps de pause. En plus les pauses, très souvent au départ, on en fait des petites, mais lorsque la fatigue arrive, les pauses augmentent et on n’a pas la notion du temps qui passe, ce qui augmente le temps de pause naturellement et ça n’apporte rien au niveau de la course qu’on fait. Il faut savoir gérer ses pauses, mais parfois, c’est important d’en faire aussi.
Maxence Rigottier : Et tu utilises des barres énergétiques pendant la course ?
Ludovic Dilmi : Oui. J’utilise beaucoup des barres isotoniques, d’apports minérales et vitamines. Tout ce qui est marque Isostar c’est pas mal, et également des aliments beaucoup plus simples type pâtes alimentaires. Ça a un goût neutre car c’est quelquechose d’assez consistant et j’ai remarqué que pour 24 heures, finalement, le fait simplement d’avaler des pâtes on sentait l’énergie revenir alors que c’est quand même à priori du sucre lent. Mais quand on est bien fatigué, n’importe quel aliment devient un carburant.
Maxence Rigottier : J’imagine. Pour finir, une dernière question, quels sont tes nouveaux projets pour l’année 2012 ?
Ludovic Dilmi : Le calendrier est déjà tracé car j’ai les championnats du monde dans une semaine. Ensuite je vais faire quelques marathons sur lesquels je suis invité sur mai et juin. Puis en juillet et août je me retrouve de nouveau en préparation pour les championnats du monde qui auront lieu en Pologne les 8 et 9 septembre. Ensuite je ferais quelques courses plaisirs, marathons… J’aime bien courir. Et je me reprojetterais sur les championnats de France de marathon qui auront lieu encore cette année à Nice – Cannes. Et puisque le club de Rambouillet Athlétisme remporte par équipe le championnat, à chaque fois on y va parce qu’on a plusieurs coureurs qui tournent bien et on part rechallenger, défendre notre titre.
Maxence Rigottier : Bien. J’espère en tout cas de tout cœur que tu arriveras à réaliser la course que tu souhaites et le classement que tu t’es donné comme objectif et que tout va bien se passer pour toi.
Ludovic Dilmi : Oui puisque là le gros objectif après les mondiaux de 100 km ça va être les mondiaux de 24 heures et là j’espère être un peu plus proche du top 5 ou 10. Faire quelque chose de bien au niveau des championnats du monde avec l’équipe de France.
Maxence Rigottier : D’accord, je vais suivre attentivement les résultats et j’espère que tu arriveras à atteindre ton objectif.
Ludovic Dilmi : Je te remercie Maxence.
Maxence Rigottier : En tout cas, merci pour cette interview très enrichissante et très constructive.
Ludovic Dilmi : C’est moi qui te remercie Maxence pour faire partager tout ça à un maximum de coureurs.
Maxence Rigottier : Merci une nouvelle fois, je te dis à bientôt pour suivre l’évolution de tes courses et de tes résultats.
Ludovic Dilmi : A bientôt.
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Salut
Après avoir découvert qu’il existait des courses de 100km, je viens de voir qu’il y a des courses de 24 h!!!!
Il y en a beaucoup des courses de l’extrême comme ça? C’est juste effarant…et formidable à la fois; bravo à eux
Merci de cet interview, Maxence.
@+
Salut Stéphane,
Je te rassure, cela m’effraye aussi pour le moment. ;)
Après, la course des 24h, c’est dur de trouver plus dur,
peut-être le marathon des sables (250km) ou la diagonale des fou.
A très vite pour de nouvelles interviews. :)